David Clayton-Thomas

La vie de David Clayton Thomas est une histoire remarquable au cours de laquelle il a subi une réelle transformation. Jadis un rocker des bars, ce Canadien est devenu un des artistes les plus reconnus, ayant vendu plus de 30 millions d'albums à travers le monde. Il est également un des auteurs-compositeurs les plus inventifs de notre temps. David a passé plus de quatre décennies sur la route et a surmonté d'innombrables tragédies et triomphes professionnels. Il a joué dans tous les types d'endroits, des bars les plus minuscules aux amphithéâtres les plus immenses. Il s'est produit aux côtés de nombreux artistes célèbres, de John Lee Hooker à Aretha Franklin.

En 1996, il a été intronisé au Canadian Music Hall of Fame, prenant légitimement sa place aux côtés des figures importantes de la musique canadienne, telles que Gordon Lightfoot, Oscar Peterson, Joni Mitchell et Neil Young. Vivant aujourd'hui à Toronto, où il a grandi et où il s'est toujours senti le plus chez lui, David dirige une formation jazz/rock fusion de 11 musiciens sous son propre nom. « Blood Sweat &Tears a été une expérience merveilleuse, mais il était temps de passer à autre chose », dit-il péremptoirement. « Je suis fier de ce que nous avons accompli et aussi d'avoir joué un rôle clé. BS&T avait beaucoup d'importance pour moi. Son histoire musicale était prestigieuse.» Qu'est-ce qui le pousse à abandonner le succès assuré du circuit des lucratives tournées américaines pour l'incertitude et le défi de la mise sur pied d'une nouvelle formation?

D'abord, sa conviction personnelle que la croissance est tout pour un artiste, puis son expérience d'enregistrement de l'album Aurora en 2004 avec son vieil ami Doug « Doc » Riley, sous l'étiquette Justin Time. « Écrire de la nouvelle musique, chanter des nouvelles chansons et les enregistrer, voilà ce qui me motive », affirme David. « BS&T n'avait pas enregistré depuis 25 ans, et je suis un auteur-compositeur. Si je n'ai pas un exutoire pour écrire des chansons, je vais imploser. Lorsque j'enregistrais Aurora, je sentais que j'avais retrouvé mon chez-moi. La communauté créative de Toronto est si dynamique, elle m'a toujours inspiré. » Aurora marque le début de l'association de David avec Justin Time, la plus importante étiquette de disques jazz au Canada.

Produit en collaboration avec Doug Riley, l'enregistrement met David en vedette dans un contexte intime, accompagné d'un quartette de musiciens prestigieux : Riley au piano, la légende du jazz Terry Clarke à la batterie, George Koller à la contrebasse acoustique et Rob Piltch aux guitares électrique et acoustique. Certaines pistes ont été enregistrées avec un trio de B3 classique comprenant Riley au Hammond B3 avec pédales de basse, Clarke à la batterie et Jake Langley, lauréat d'un prix des National Jazz Awards, à la guitare. De la nouvelle musique jouée par de vieux amis. L'album comprend aussi les meilleures interprétations de David depuis des années. Lorsque David est devenu le chanteur principal de BS&T, il était déjà un vétéran de l'industrie du spectacle, une figure de proue de la musique canadienne.

Paru en 1968, son premier album avec BS&T s'est vendu à plus de 10 millions d'exemplaires à travers le monde. Le disque éponyme s'est classé au premier rang du palmarès Billboard pendant sept semaines, et il est demeuré dans le palmarès pendant pas moins de 109 semaines. L'album a raflé cinq prix Grammy, y compris celui de l'album de l'année et celui de la meilleure performance par un chanteur masculin. Trois extraits de l'album ont connu un large succès : You've Made Me So Very Happy, And When I Die et Spinning Wheel, de même qu'une version irrésistible de la pièce God Bless The Child de Billie Holiday, qui est devenue une chanson incontournable de David.

En 1969, le Los Angeles Times proclamait : « Blood Sweat & Tears est peut-être bien le groupe de musique populaire le plus important de notre décennie. » Après le succès de Blood Sweat & Tears, d'autres formations avec cuivres ont suivi le pas, y compris Chicago, Tower Of Power, Chase, Dreams, Ides Of March, Lighthouse, et Cold Blood. Ainsi le courant jazz/rock s'est installé. Il est à noter que les plus grands succès de BS&T étaient des compositions de David : Spinning Wheel (qui a pratiquement assuré la longévité du groupe), Go Down Gambling, Lucretia MacEvil et You're The One, cette dernière ayant été co-écrite avec son défunt ami, le claviériste William « Smitty » Smith. « Ce que les gens ne savent pas, c'est que j'ai écrit Spinning Wheel et Lucretia Mac Evil au Canada, bien avant que je me sois joint à Blood Sweat & Tears », remarque David. « Avant, je jouais Lucretia MacEvil pour quiconque voulait bien l'entendre, sur les marches d'une église sur Avenue Road à Toronto. » Selon David, une grande chanson peut avoir de nombreuses vies différentes, et c'est en bonne partie grâce à cette conviction que BS&T a connu autant de succès. David emploie l'approche d'un auteur-compositeur pour interpréter de nombreuses chansons à succès, y compris God Bless The Child de Billie Holiday, And When I Die de Laura Nyro et You Made Me So Very Happy, enregistré à l'origine par Brenda Holloway en 1967.

« Depuis les années 50, presque personne n'avait enregistré God Bless The Child », se rappelle David. « Billie se l'était si bien appropriée que personne n'osait y toucher. Je savais que j'allais devoir y apporter quelque-chose de différent, et la brillante partition de Dick Halligan me donna la direction à suivre. J'adorerai toujours chanter cette chanson. » David sait que ses fans voudront toujours l'entendre chanter les morceaux les plus célèbres de son répertoire, y compris les chansons incontournables de BS&T. « Lorsque des gens viennent me voir en concert, comment pourrais-je passer à côté de Spinning Wheel ou de God Bless The Child ? » demande-t-il. « Il y a quelques-unes de mes chansons que je chanterai pour le reste de mes jours, et je le ferai avec grand plaisir. »

David est né à Surrey, en Angleterre, le 13 septembre 1941. Son père était un soldat canadien largement décoré, sa mère une Anglaise qui étudiait la musique et qui jouait du piano pour les troupes dans un hôpital de Londres. Après la guerre, la famille s'est installée à Willowdale, une banlieue de Toronto, alors que David avait quatre ans. David a développé son formidable talent de chanteur au sein de ses premiers groupes, The Fabulous Shays et The Bossmen. Ronnie Hawkins, musicien rockabilly de l'Arkansas, régnait au Coq d'Or sur la commerciale Yonge Street, accompagné par Levon & The Hawks (plus tard, le groupe se nommera The Band). « Parmi mes premières influences, les plus fortes étaient les grands chanteurs de blues, The Hawks et Ray Charles », se souvient David. « Le blues américain était très populaire en Angleterre, mais nous en étions plus proches à Toronto. Vu les bars réservés aux Noirs aux États-Unis, les musiciens de soul aimaient venir jouer au Canada.

Par conséquent, une impressionnante scène de jazz, de blues et de R&B s'est développée à Toronto. » David a eu la chance de côtoyer bon nombre de grands artistes du blues et de se produire avec eux, notamment Muddy Waters et Albert King, lorsque ceux-ci jouaient au Coq d'Or ou au Colonial Tavern non loin de chez lui. Il a entendu Ray Charles à Massey Hall. Et « le monde entier s'est arrêté pendant environ un an », se rappelle-t-il. Il connaissait tout le répertoire de Joe Williams et de Sarah Vaughan, de même que les chansons de Jimmy Witherspoon, Bobby « Blue » Bland et Jimmy Reed.

Vers le milieu des années 1960, la scène prospère des boîtes de Toronto était comparable à celles de New York et de Londres en termes d'envergure et de diversité musicale, et la ville est devenue la Mecque de la musique au Canada. « Nous jouions dans les boîtes du centre-ville de Toronto avant l'apparition du flower power », raconte David. « Des endroits comme Le Coq d'Or et le Friar's étaient brutaux. Six fois par soir, il fallait aborder une foule bruyante d'ivrognes, de prostituées et de travailleurs des aciéries de Hamilton pour leur dire de se calmer et d'écouter la musique. Parfois, il fallait que je sorte dans l'allée pour convaincre un type de me laisser donner mon spectacle. »

En 1964, David Clayton-Thomas and the Shays ont lancé leur version funky de la pièce Boom Boom de John Lee Hooker. « La chanson a uniquement connu un succès national, mais la partie vocale était complètement sidérante. Un des grands moments pour les Shays a été leur visite à l'émission « Hullabaloo » de NBC-TV à New York, suite à l'invitation de leur confrère canadien Paul Anka. David adorait l'atmosphère qui régnait à New York. « Nous y sommes allés pour trois jours, et les boîtes de Greenwich Village étaient mon lieu de prédilection », raconte-t-il. « J'ai vu Jimi Hendrix alors qu'il était encore jeune, Ritchie Havens, James Taylor et John Hammond Jr. Je suis retourné à Toronto, mais la vie n'a plus jamais été pareille. » Abandonnant les bars de Yonge Street, David a commencé à se produire sur l'effervescente scène des cafés et des boîtes du quartier Yorkville, multipliant ses sources d'inspiration en côtoyant les grands noms du blues tels que Mississippi John Hurt, John Lee Hooker, Sonny Terry & Brownie McGhee ainsi que Lonnie Johnson. Yorkville servait également de tremplin à de jeunes artistes canadiens, tels que Gordon Lightfoot, Joni Mitchell et Neil Young.

Dans les années 1960, des milliers de jeunes quittaient la banlieue pour venir à Toronto entendre la musique des boîtes de Yorkville. La fougue de la jeunesse était si contagieuse dans le quartier que Trudeau, qui venait d'être élu Premier ministre, y a été pris en photo en train de se balancer dans les airs, suspendu par les mains à un réverbère. David pouvait nager dans ce bassin culturel avec joie. Il s'est plongé dans la scène jazz locale, attiré par la virtuosité de Doug Riley, William Smith, Tony Collacott, Lenny Breau, Oscar Peterson et Moe Koffman, des musiciens jazz locaux aux prouesses techniques vertigineuses. Le bluesman légendaire Lonnie Johnson vivait aussi à Toronto et dirigeait une boîte à Yorkville. « C'était une pure symbiose du blues et du jazz », se rappelle David avec admiration. David s'est démarqué davantage avec son groupe suivant, The Bossmen, un des premiers groupes rock dans le monde à incorporer des musiciens jazz.

En 1966, le groupe a lancé l'explosive chanson anti guerre Brainwashed, véritable hurlement de peur et de refus à saveur jazz/rock, plus coriace que tout enregistrement de rock de cette ère. David adorait jouer avec les musiciens de jazz qu'il admirait tant, et ceux-ci trouvaient le concept intéressant. Toutefois, cette fusion du jazz et du rock n'était pas bien accueillie par les maisons de disques, même si Brainwashed s'est classée au premier rang du palmarès national. Son étiquette a refusé de lancer Spinning Wheel par la suite. « À l'origine, j'ai enregistré Spinning Wheel avec The Bossmen, mais la pièce n'a jamais été sortie », confirme David. « J'essayais de faire jouer des lignes de jazz à trois guitaristes de rock n' roll, accompagnés d'un trio rythmique avec piano. » Fred Lipsius (arrangeur et saxophoniste) a transcrit ces mêmes lignes de guitare plus tard et a écrit les partitions pour les cuivres de BS&T... tout le monde connaît la suite.

Un soir en 1966, après avoir accompagné le chanteur de blues John Lee Hooker à Toronto, David est parti pour New York avec ce dernier. Ils ont joué dans un club du Greenwich Village et Hooker est parti ensuite pour l'Europe. Cependant, David a décidé rester à New York. « J'ai survécu en jouant dans les soirées où on passait le chapeau entre les numéros. J'ai aussi joué pour de la monnaie, avec mon étui de guitare ouvert dans Washington Square Park, aux côtés de Ritchie Havens et de James Taylor. » Un soir, la chanteuse de folk Judy Collins a entendu David dans une boîte du haut de la ville. Elle en a parlé à son ami, le batteur Bobby Colomby, et les deux y sont retournés la nuit suivante.

Déchiré par les conflits internes, Blood Sweat & Tears, le groupe de Bobby, s'était séparé quatre mois après le lancement de son premier album sous l'étiquette Columbia, Child Is Father To The Man, et la formation se faisait démolir par toutes les critiques. Colomby a demandé à David d'aider à reconstruire le groupe. La nouvelle version de Blood Sweat & Tears a commencé à se produire au Café Au Go Go dans le quartier Yorkville. Six semaines plus tard, environ 2 000 personnes faisaient la file sur le trottoir, devant un club qui ne comportait que 250 places assises. Dans son autobiographie de 1974, Clive: Inside the Record Business, Clive Davis, qui était alors président de Columbia Records, décrit sa première impression en entendant David au Café Au Go Go : « Il était renversant...un chanteur avec une forte carrure, qui exsudait une confiance solide et authentique. Il avait une présence incroyable, il venait vraiment chercher le public. Je suis allé le voir avec un petit groupe de gens et nous étions tous abasourdis. Il semblait si authentique, il maîtrisait les paroles avec tant d'assurance… une combinaison parfaite de fougue et d'émotion pour aller de pair avec l'attrait plutôt intellectuel de la formation. Je savais qu'il deviendrait une personnalité éminente. » Par la suite, BS&T a produit une suite d'albums qui ont franchi les palmarès, David fournissant l'essentiel de l'apport créatif : Blood Sweat & Tears 3 comprenait notamment les succès Lucretia Mac Evil, Hi-De-Ho de Goffin/King, de même que He's a Runner de Laura Nyro; BS&T 4 a procuré un autre succès, Go Down Gamblin, et Blood Sweat & Tears Greatest Hits s'est vendu à plus de 5 millions d'exemplaires à travers le monde. BS&T a joué dans toutes les plus grandes salles de l'Amérique du Nord : au Filmores, au Metropolitan Opera, à Carnegie Hall, au Hollywood Bowl, à Madison Square Garden, à Caesar's Palace, de même qu'au Newport Jazz Festival et à Woodstock. Ce fut le premier groupe moderne à traverser le Rideau de fer, avec une tournée historique de la Roumanie, de la Pologne et de la Yougoslavie en 1970.

Dans ses premières années au sein du groupe, David a vécu sur la route, voyageant à travers l'Europe, l'Asie, l'Amérique du Sud et les États-Unis. Les effets des tournées constantes ont commencé à se faire sentir. Vers le début des années 1970, les membres d'origine se sont dispersés progressivement pour fonder des familles et suivre leurs ambitions musicales personnelles. Ils ont été remplacés par des grands noms du jazz tels que Joe Henderson, Jaco Pastorius, Don Alias, Mike Stern, Roy McCurdy, Larry Willis et Gregory Herbert.

Vu l'horaire de tournée brutal du groupe, qui comprenait plus de 200 concerts par année, David a quitté Blood Sweat & Tears en 1972, frustré par le manque de temps pour la création. Il a déménagé à LA et y a enregistré trois excellents albums solos : David Clayton-Thomas (Columbia), Tequila Sunrise (Columbia), Harmony Junction (RCA) et Clayton (GRT). Son départ a laissé un grand vide au sein du groupe, qui a tenté avec peine de trouver un substitut. Les fans n'accepteraient pas BS&T sans David Clayton-Thomas. « Nous avions beau tout essayer pour rendre la musique intéressante, les fans voulaient toujours entendre David Clayton-Thomas », a dit à l'époque le guitariste Steve Katz au magazine Downbeat. David est revenu au sein du groupe en 1974. BS&T a de nouveau été ébranlé en 1978 après un concert à Amsterdam, lorsque Gregory Herbert, le saxophoniste du groupe âgé de 31 ans, a été retrouvé mort d'une surdose d'héroïne dans sa chambre d'hôtel. Revitalisé après deux ans d'inactivité, BS&T est revenu sur scène en force, cette fois-ci sous la direction de David. Le groupe a joué dans les festivals de jazz internationaux, les salles d'orchestres symphoniques, les salles de concert et les salles de spectacles des casinos. David travail Press: Anya Wilson awilson@netsurf.net 401 Richmond Street West, Suite 220 Toronto, Ontario M5V 1X3 Tel: 416-977-7704 ~ Fax: 416-977-7719